Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/442

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Vous savez sans doute ce qu’il faut faire pour cela ; j’ai vu l’effet grand & prompt de la moutarde à la plante des pieds ; je vous la recommande en pareille occurrence, dont veuille le ciel vous préserver. Si jeune, déjà la goutte ! que je vous plains. Si vous eussiez toujours suivi le régime que je vous faisois faire à Motiers, surtout quant à l’exercice, vous ne seriez point atteint de cette cruelle maladie. Point de soupers, peu de cabinet, & beaucoup de marche dans vos relâches : voilà ce qu’il me reste à vous recommander.

Ce que vous m’apprenez qui s’est passé dernièrement dans votre ville, me fâche encore, mais ne me surprend plus. Comment ! votre Conseil Souverain se met à rendre des jugemens criminels ? Les Rois plus sages que lui n’en rendent point. Voilà ces pauvres gens prenant à grands pas le train des Athéniens, & courant chercher la même destinée, qu’ils trouveront, hélas, assez tôt sans tant courir. Mais ;

Quos vult perdere Jupiter, dementat.

Je ne doute point que les Natifs ne missent à leurs prétentions l’insolence de gens qui se sentent soufflés, & qui se croient soutenus ; mais je doute encore moins que, si ces pauvres Citoyens ne se laissoient aveugler par la prospérité, & séduire par un vil intérêt, ils n’eussent été les premiers à leur offrir le partage, dans le fond très-juste, très - raisonnable, & très - avantageux à tous, que les autres leur demandoient. Les voilà aussi durs Aristocrates avec les Habitans, que les Magisirats furent jadis avec eux. De ces deux Aristocraties, j’aimerois encore mieux la première.