Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/77

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ou soi-disant tels, que le conseil mettoit en avant pour me rendre odieux à la populace, & faire attribuer son incartade au zèle de la religion.

Après avoir attendu vainement plus d’un an que quelqu’un réclamât contre une procédure illégale, je pris enfin mon parti, & me voyant abandonné de mes concitoyens, je me déterminai à renoncer à mon ingrate patrie où je n’avois jamais vécu, dont je n’avois reçu ni bien ni service, & dont, pour prix de l’honneur que j’avois tâché de lui rendre, je me voyois si indignement traité d’un consentement unanime, puisque ceux qui devoient parler n’avoient rien dit. J’écrivis donc au premier syndic de cette année-là qui, je crois, étoit M. Favre, une lettre par laquelle j’abdiquois solennellement mon droit de bourgeoisie, & dans laquelle, au reste, j’observai la décence & la modération que j’ai toujours mises aux actes de fierté que la cruauté de mes ennemis m’a souvent arrachés dans mes malheurs.

Cette démarche ouvrit enfin les yeux aux citoyens, sentant qu’ils avoient eu tort pour leur propre intérêt d’abandonner ma défense, ils la prirent quand il n’étoit plus temps. Ils avoient d’autres griefs qu’ils joignirent à celui-là, & ils en firent la matière de plusieurs représentations très-bien raisonnées qu’ils étendirent & renforcèrent à mesure que les refus du Conseil, soutenu par le ministère de France, leur firent mieux sentir le projet formé de les asservir. Ces altercations produisirent diverses brochures qui ne décidoient rien, jusqu’à-ce que parurent tout-d’un coup les Lettres écrites de la campagne, ouvrage écrit en faveur du Conseil avec un