Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/95

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son parti à mon égard, & que je n’aurois point désormois de pire ennemi. Je crois qu’il ne m’a pardonné ni le Contrat Social, trop au-dessus de ses forces, ni la Paix perpétuelle ; & qu’il n’avoit paru désirer que je fisse un extroit de l’abbé de St. Pierre qu’en supposant que je ne m’en tirerois pas si bien.

Plus j’avance dans mes récits, moins j’y puis mettre d’ordre & de suite. L’agitation du reste de ma vie n’a pas laissé aux événemens le temps de s’arranger dans ma tête. Ils ont été trop nombreux, trop mêlés, trop désagréables pour pouvoir être narrés sans confusion. La seule impression forte qu’ils m’ont laissée est celle de l’horrible mystère qui couvre leur cause, & de l’état déplorable où ils m’ont réduit. Mon récit ne peut plus marcher qu’à l’aventure, & selon que les idées me reviendront dans l’esprit. Je me rappelle que dans le temps dont je parle, tout occupé de mes confessions, j’en parlois très-imprudemment à tout le monde, n’imaginant pas même que personne eût intérêt, ni volonté, ni pouvoir de mettre obstacle à cette entreprise, & quand je l’aurois cru, je n’en aurois guère été plus discret, par l’impossibilité totale où je suis par mon naturel de tenir caché rien de ce que je sens & de ce que je pense. Cette entreprise connue fut, autant que j’en puis juger, la véritable cause de l’orage qu’on excita pour m’expulser de la Suisse, & me livrer entre des mains qui m’empêchassent de l’exécuter.

J’en avois une autre qui n’étoit guère vue de meilleur œil par ceux qui craignoient la première ; c’étoit celle d’une