Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/136

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gaze, & fait sentir à la main la résistance élastique qu’elle n’oseroit éprouver.

Parte appar delle mamme acerbe e crude,
Parte altrui ne ricopre invida vesta.
Invida, ma s’agli occhi il varco chiude,
L’amoroso pensier già non arresta. [1]

Je remarquoi aussi un grand défaut dans l’habillement des Valaisanes ; c’est d’avoir des corps-de-robe si élevés par derriere qu’elles en paroissent bossues ; cela fait un effet singulier avec leurs petites coeffures noires & le reste de leur ajustement, qui ne manque au surplus ni de simplicité ni d’élégance. Je vous porte un habit compet à la Valaisane, & j’espere qu’il vous ira bien ; il a été pris sur la plus jolie taille du pays.

Tandis que je parcourois avec extase ces lieux si peu connus & si dignes d’être admirés, que faisiez-vous cependant, ma Julie ? Etiez-vous oubliée de votre ami ? Julie oubliée ! Ne m’oublierois-je pas plutôt moi-même, & que pourrois-je un moment seul, moi qui ne suis plus rien que par vous ? Je n’ai jamais mieux remarqué avec quel instinct je place en divers lieux notre existence commune selon l’état de mon ame. Quand je suis triste, elle se réfugie auprès de la vôtre, & cherche des consolations aux lieux où vous êtes ; c’est ce que j’éprouvois en vous quittant. Quand j’ai du plaisir, je n’en saurois jouir seul, & pour le partager avec vous, je

  1. Son acerbe & dûre mamelle se laisse entrevoir ; un vêtement jaloux en cache en vain la plus grande partie : l’amoureux desir, plus perçant que l’œif, pénetre à travers tous les obstacles. Tasse.