Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/162

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ton cabinet. Que devins-je en entrouvrant la porte, quand j’apperçus celle qui devroit être sur le trône de l’Univers assise à terre, la tête appuyée sur un fauteuil inondé de ses larmes ? Ah ! j’aurois moins souffert s’il l’eût été de mon sang ! De quels remords je fus à l’instant déchiré ? Mon bonheur devint mon supplice ; je ne sentis plus que tes peines, & j’aurois racheté de ma vie tes pleurs & tous mes plaisirs. Je voulois me précipiter à tes pieds, je voulois essuyer de mes levres ces précieuses larmes, les recueillir au fond de mon cœur, mourir ou les tarir pour jamais, j’entends revenir ta mere, il faut retourner brusquement à ma place, j’emporte en moi toutes tes douleurs, & des regrets qui ne finiront qu’avec elles.

Que je suis humilié, que je suis avili de ton repentir ! Je suis donc bien méprisable, si notre union te soit mépriser de toi-même, & si le charme de mes jours est le supplice des tiens ? Sois plus juste envers toi, ma Julie ; vois d’un œil moins prévenu les sacrés liens que ton cœur a formés. N’as-tu pas suivi les plus pures loix de la nature ? N’as-tu pas librement contracté le plus saint des engagemens ? Qu’as-tu fait que les loix divines & humaines ne puissent & ne doivent autoriser ? Que manque-t-il au nœud qui nous joint qu’une déclaration publique ? Veuille être à moi, tu n’es plus coupable. Ô mon épouse ! Ô ma digne & chaste compagne ! Ô charme & bonheur de ma vie ! non, ce n’est point ce qu’a fait ton amour qui peut être un crime, mais ce que tu lui voudrois ôter : ce n’est qu’en acceptant un autre époux que tu peux offenser l’honneur. Sois sans cesse à l’ami de