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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/383

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Tout le monde y fait à la fois la même chose dans la même circonstance ; tout va par tems comme les évolutions d’un régiment en bataille : vous diriez que ce sont autant de marionnettes clouées sur la même planche, ou tirées par le même fil.

Or, comme il n’est pas possible que tous ces gens qui font exactement la même chose soient exactement affectés de même, il est clair qu’il faut les pénétrer par d’autres moyens pour les connoître ; il est clair que tout ce jargon n’est qu’un vain formulaire & sert moins à juger des mœurs que du ton qui regne à Paris. On apprend ainsi les propos qu’on y tient, mais rien de ce qui peut servir à les apprécier. J’en dis autant de la plupart des écrits nouveaux ; j’en dis autant de la scene même, qui depuis Moliere est bien plus un lieu où se débitent de jolies conversations que la représentation de la vie civile. Il y a ici trois théâtres, sur deux desquels on représente des êtres chimériques, savoir : sur l’un, des Arlequins, des Pantalons, des Scaramouches ; sur l’autre, des Dieux, des Diables, des Sorciers. Sur le troisieme on représente ces pieces immortelles dont la lecture nous faisoit tant de plaisir & d’autres plus nouvelles qui paraissent de tems en tems sur la scene. Plusieurs de ces pieces sont tragiques, mais peu touchantes ; & si l’on y trouve quelques sentimens naturels & quelque vrai rapport au cœur humain, elles n’offrent aucune sorte d’instruction sur les mœurs particulieres du peuple qu’elles amusent.

L’institution de la tragédie avoit, chez ses inventeurs, un fondement de religion qui suffisoit pour l’autoriser. D’ailleurs, elle offroit aux Grecs un spectacle instructif & agréable dans