& je trouve plus de décence dans leur maintien. Cette réserve ne leur coûte guere ; elles sentent bien leurs avantages, elles savent qu’elles n’ont pas besoin d’agaceries pour nous attirer. Peut-être aussi que l’impudence est plus sensible & choquante, jointe à la laideur ; & il est sûr qu’on couvriroit plutôt de soufflets que de baisers un laid visage effronté, au lieu qu’avec la modestie il peut exciter une tendre compassion qui mene quelquefois à l’amour. Mais quoique en général on remarque ici quelque chose de plus doux dans le maintien des jolies personnes, il y a encore tant de minauderies dans leur manieres & elles sont toujours si visiblement occupées d’elles-mêmes, qu’on n’est jamais exposé dans ce pays à la tentation qu’avoit quelquefois M. de Muralt auprès des Angloises, de dire à une femme qu’elle est belle pour avoir le plaisir de le lui apprendre.
La gaieté naturelle à la nation, ni le désir d’imiter les grands airs, ne sont pas les seules causes de cette liberté de propos & de maintien qu’on remarque ici dans les femmes. Elle paraît avoir une racine plus profonde dans les mœurs, par le mélange indiscret & continuel des deux sexes, qui fait contracter à chacun d’eux l’air, le langage, & les manieres de l’autre. Nos Suissesses aiment assez à rassembler entre elles [1] ; elles y vivent dans une douce familiarité & quoique apparemment elles ne haissent pas le
- ↑ Tout cela est sort changé. Par les circonstances, ces lettres ne semblent écrites que depuis quelques vingtaines d’années. Aux mœurs, au style, on les croiroit de l’autre siecle.