Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/456

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aussi curieux d’observer un jour les voleurs dans leurs cavernes & de voir comment ils s’y prennent pour dévaliser les passants ? Ignorez-vous qu’il y a des objets si odieux qu’il n’est pas même permis à l’homme d’honneur de les voir & que l’indignation de la vertu ne peut supporter le spectacle du vice ? Le sage observe le désordre public qu’il ne peut arrêter ; ill’observe & montre sur son visage attristé la douleur qu’il lui cause. Mais quant aux désordres particuliers, il s’y oppose, ou détourne les yeux de peur qu’ils ne s’autorisent de sa présence. D’ailleurs, étoit-il besoin de voir de pareilles sociétés pour juger de ce qui s’y passe & des discours qu’on y tient ? Pour moi, sur leur seul objet plus que sur le peu que vous m’en avez dit, je devine aisément tout le reste ; & l’idée des plaisirs qu’on y trouve me fait connoître assez les gens qui les cherchent.

Je ne sais si votre commode philosophie adopte déjà les maximes qu’on dit établies dans les grandes villes pour tolérer de semblables lieux ; mais j’espere au moins que vous n’êtes pas de ceux qui se méprisent assez pour s’en permettre l’usage, sous prétexte de je ne sais quelle chimérique nécessité qui n’est connue que des gens de mauvaise vie : comme si les deux sexes étoient sur ce point de nature différente & que dans l’absence ou le célibat il fallût à l’honnête homme des ressources dont l’honnête femme n’a pas besoin ! Si cette erreur ne vous mene pas chez des prostituées, j’ai bien peur qu’elle ne continue à vous égarer vous-même. Ah ! si vous voulez être méprisable, soyez-le au moins sans prétexte & n’ajoutez point le mensonge à la crapule. Tous ces prétendus besoins