Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/459

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chez les gens avec qui vous vivez que vous devez vous attendre à la résoudre. C’est dans les appartemens dorés qu’un écolier va prendre les airs du monde ; mais le sage en apprend les mysteres dans la chaumiere du pauvre. C’est là qu’on voit sensiblement les obscures manœuvres du vice, qu’il couvre de paroles fardées au milieu d’un cercle : c’est là qu’ons’instruit par quelles iniquités secretes le puissant & le riche arrachent un reste de pain noir à l’opprimé qu’ils feignent de plaindre en public. Ah ! si j’en crois nos vieux militaires, que de choses vous apprendriez dans les greniers d’un cinquieme étage, qu’on ensevelit sous un profond secret dans les hôtels du faubourg Saint Germain & que tant de beaux parleurs seroient confus avec leurs feintes maximes d’humanité si tous les malheureux qu’ils ont faits se présentoient pour les démentir !

Je sais qu’on n’aime pas le spectacle de la misere qu’on ne peut soulager & que le riche même détourne les yeux du pauvre qu’il refuse de secourir ; mais ce n’est pas d’argent seulement qu’ont besoin les infortunés & il n’y a que les paresseux de bien faire qui ne sachent faire du bien que la bourse à la main. Les consolations, les conseils, les soins, les amis, la protection sont autant de ressources que la commisération vous laisse, au défaut des richesses, pour le soulagement de l’indigent. Souvent les opprimés ne le sont que parce qu’ils manquent d’organe pour faire entendre leurs plaintes. Il ne s’agit quelquefois que d’un mot qu’ils ne peuvent dire, d’une raison qu’ils ne savent point exposer, de la porte d’un grand qu’ils ne peuvent franchir. L’intrépide appui de la vertu désintéressée