Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/460

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suffit pour lever une infinité d’obstacles ; & l’éloquence d’un homme de bien peut effrayer la tyrannie au milieu de toute sa puissance.

Si vous voulez donc être homme en effet, apprenez à redescendre. L’humanité coule comme une eau pure & salutaire & va fertiliser les lieux bas ; elle cherche toujours le niveau ; elle laisse à sec ces roches arides qui menacent la campagne & ne donnent qu’une ombre nuisible ou des éclats pour écraser leurs voisins.

Voilà, mon ami, comment on tire parti du présent en s’instruisant pour l’avenir & comment la bonté met d’avance à profit les leçons de la sagesse, afin que, quand les lumieres acquises nous resteroient inutiles, on n’ait pas pour cela perdu le tems employé à les acquérir. Qui doit vivre parmi des gens en place ne sauroit prendre trop de préservatifs contre leurs maximes empoisonnées & il n’y a que l’exercice continuel de la bienfaisance qui garantisse les meilleurs cœurs de la contagion des ambitieux. Essayez, croyez-moi, de ce nouveau genre d’études ; il est plus digne de vous que ceux vous avez embrassés ; & comme l’esprit s’étrécit à mesure que l’ame se corrompt, vous sentirez bientôt, au contraire, combien l’exercice des sublimes vertus éleve & nourrit le génie, combien un tendre intérêt aux malheurs d’autrui sert mieux à en trouver la source & à nous éloigner en tous sens des vices qui les ont produits

Je vous devois toute la franchise de l’amitié dans la situation critique où vous me paroissez être, de peur qu’un second pas vers le désordre ne vous y plongeât enfin sans retour,