sûres. Le repos de tout ce que vous avez aimé, les jours d’une mere au désespoir, l’honneur d’une maison respectable, votre propre vertu, tout dépend de vous encore ; tout vous prescrit votre devoir : vous pouvez réparer le mal que vous avez fait ; vous pouvez vous rendre digne de Julie, & justifier sa faute en renonçant à elle ; & si votre cœur ne m’a point trompée, il n’y a plus que la grandeur d’un tel sacrifice qui puisse répondre à celle de l’amour qui l’exige. Fondée sur l’estime que j’eus toujours pour vos sentimens, & sur ce que la plus tendre union qui fût jamais lui doit ajouter de force, j’ai promis en votre nom tout ce que vous devez tenir ; osez me démentir si j’ai trop présumé de vous, ou soyez aujourd’hui ce que vous devez être. Il faut immoler votre maîtresse ou votre amour l’un à l’autre, & vous montrer le plus lâche ou le plus vertueux des hommes.
Cette mere infortunée a voulu vous écrire ; elle avoit même commencé. Ô Dieu ! que de coups de poignard vous eussent portés ses plaintes ameres ! Que ses touchans reproches vous eussent déchiré le cœur ! Que ses humbles prieres vous eussent pénétré de honte ! J’ai mis en pieces cette lettre accablante que vous n’eussiez jamais supportée : je n’ai pu souffrir ce comble d’horreur de voir une mere humiliée devant le séducteur de sa fille : vous êtes digne au moins qu’on n’emploie pas avec vous de pareils moyens, faits pour fléchir des monstres & pour faire mourir de douleur un homme sensible.
Si c’étoit ici le premier effort que l’amour vous eût demandé, je pourrois douter du succes & balancer sur l’estime qui