Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/538

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L’auteur de toute vérité n’a point souffert que je sortisse de sa présence, coupable d’un vil parjure ; & prévenant mon crime par mes remords, il m’a montré l’abîme où j’alloix me précipiter. Providence éternelle, qui fais ramper l’insecte, & rouler les cieux, tu veilles sur la moindre de tes œuvres ! Tu me rappelles au bien que tu m’as fait aimer ! Daigne accepter d’un cœur épuré par tes soins l’hommage que toi seule rends digne de t’être offert.

À l’instant, pénétrée d’un vif sentiment du danger dont j’étois délivrée, & de l’état d’honneur, & de sûreté où je me sentois rétablie, je me prosternai contre terre, j’élevai vers le Ciel mes mains suppliantes, j’invoqua il’Etre dont il est le trône, & qui soutient ou détruit quand il lui plaît par nos propres forces la liberté qu’il nous donne."Je veux, lui dis-je, le bien que tu veux, & dont toi seul es la source. Je veux aimer l’époux que tu m’as donné. Je veux être fidele, parce que c’est le premier devoir qui lie la famille, & toute la société. Je veux être chaste, parce que c’est la premiere vertu qui nourrit toutes les autres. Je veux tout ce qui se rapporte à l’ordre de la nature que tu as établi, & aux regles de la raison que je tiens de toi. Je remets mon cœur sous ta garde, & mes désirs en ta main. Rends toutes mes actions conformes à ma volonté constante, qui est la tienne ; & ne permets plus que l’erreur d’un moment l’emporte sur le choix de toute ma vie.

Apres cette courte priere, la premiere que j’eusse faite avec un vrai zele, je me sentis tellement affermie dans mes résolutions, il me parut si facile, & si doux de les suivre, que je vis clairement où je devois chercher désormais la force dont j’avois