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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/95

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Cependant un mal réel me tourmente, je cherche vainement à le fuir ; je ne voudrois point mourir, & toutefois je me meurs ; je voudrois vivre pour vous, & c’est vous qui m’ôtez la vie.

LETTRE XI. DE JULIE.

Mon ami, je sens que je m’attache à vous chaque jour davantage ; je ne puis plus me séparer de vous ; la moindre absence m’est insupportable, & il faut que je vous voye ou que je vous écrive, afin de m’occuper de vous sans cesse.

Ainsi mon amour s’augmente avec le vôtre ; car je connois à présent combien vous m’aimez, par la crainte réelle que vous avez de me déplaire, au lieu que vous n’en aviez d’abord qu’une apparence pour mieux venir à vos fins. Je sais fort bien distinguer en vous l’empire que le cœur a sçu prendre, du délire d’une imagination échauffée ; & je vois cent fois plus de passion dans la contrainte où vous êtes que dans vos premiers emportements. Je sais bien aussi que votre état, tout gênant qu’il est, n’est pas sans plaisirs. Il est doux pour un véritable amant de faire des sacrifices qui lui sont tous comptés, & dont aucun n’est perdu dans le cœur de ce qu’il aime. Qui soit même si, connoissant ma sensibilité, vous n’employez pas, pour me séduire, une adresse mieux entendue ? mais non, je suis injuste, & vous