Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/98

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LETTRE XII. À JULIE.

Ma Julie, que la simplicité de votre lettre est touchante ! Que j’y vois bien la sérénité d’une ame innocente, & la tendre sollicitude de l’amour ! Vos pensées s’exhalent sans art & sans peine ; elles portent au cœur une impression délicieuse que ne produit point un style apprêté. Vous donnez des raisons invincibles d’un air si simple, qu’il y faut réfléchir pour en sentir la force ; & les sentimens élevés vous coûtent si peu, qu’on est tenté de les prendre pour des manieres de penser communes. Ah ! oui, sans doute, c’est à vous de régler nos destins ; ce n’est pas un droit que je vous laisse, c’est un devoir que j’exige de vous, c’est une justice que je vous demande, & votre raison me doit dédommager du mal que vous avez fait à la mienne. Dès cet instant je vous remets pour ma vie l’empire de mes volontés ; disposez de moi comme d’un homme qui n’est plus rien pour lui-même, & dont tout l’être n’a de rapport qu’à vous. Je tiendrai, n’en doutez pas, l’engagement que je prends, quoi que vous puissiez me prescrire. Ou j’en vaudrai mieux, ou vous en serez plus heureuse, & je vois partout le prix assuré de mon obéissance. Je vous remets donc sans réserve le soin de notre bonheur commun ; faites le vôtre, & tout est fait. Pour moi ; qui ne puis ni vous oublier un instant, ni penser à vous sans des transports qu’il faut vaincre, je vais