Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/124

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de groseilles, des fourrés de lilas, de noisetier, de sureau, de seringa, de genêt, de trifolium, qui paroient la terre en lui donnant l’air d’être en friche. Je suivois des allées tortueuses & irrégulieres bordées de ces bocages fleuris & couvertes de mille guirlandes de vigne de Judée, de vigne vierge, de houblon, de liseron, de couleuvrée, de clématite & d’autres plantes de cette espece, parmi lesquelles le chevrefeuille, & le jasmin daignoient se confondre. Ces guirlandes sembloient jetées négligemment d’un arbre à l’autre, comme j’en avois remarqué quelquefois dans les forêts & formoient sur nous des especes de draperies qui nous garantissoient du soleil, tandis que nous avions sous nos pieds un marcher doux, commode & sec, sur une mousse fine, sans sable, sans herbe & sans rejetons raboteux. Alors seulement je découvris, non sans surprise, que ces ombrages verts & touffus, qui m’en avoient tant imposé de loin, n’étoient formés que de ces plantes rampantes & parasites, qui, guidées le long des arbres, environnoient leurs têtes du plus épais feuillage & leurs pieds d’ombre & de fraîcheur. J’observai même qu’au moyen d’une industrie assez simple on avoit fait prendre racine sur les troncs des arbres à plusieurs de ces plantes, de sorte qu’elles s’étendoient davantage en faisant moins de chemin. Vous concevez bien que les fruits ne s’en trouvent pas mieux de toutes ces additions ; mais dans ce lieu seul on a sacrifié l’utile à l’agréable & dans le reste des terres on a pris un tel soin des plants & des arbres, qu’avec ce verger de moins la récolte en fruits ne laisse pas d’être plus forte qu’auparavant. Si vous songez combien au