Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/128

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fûmes arrivés au bord du bassin, j’en vis plusieurs descendre & s’approcher de nous sur une espece de courte allée qui séparoit en deux le terre-plein & communiquoit du bassin à la voliere. M. de Wolmar, faisant le tour du bassin, sema sur l’allée deux ou trois poignées de grains mélangés qu’il avoit dans sa poche ; & quand il se fut retiré, les oiseaux accoururent & se mirent à manger comme des poules, d’un air si familier que je vis bien qu’ils étoient faits à ce manege. Cela est charmant ! m’écriai-je. Ce mot de voliere m’avoit surpris de votre part ; mais je l’entends maintenant : je vois que vous voulez des hôtes, & non pas des prisonniers. Qu’appelez-vous des hôtes ? répondit Julie : c’est nous qui sommes les leurs [1] ; ils sont ici les maîtres & nous leur payons tribut pour en être soufferts quelquefois.Fort bien, repris-je ; mais comment ces maîtres-là se sont-ils emparés de ce lieu ? Le moyen d’y rassembler tant d’habitans volontaires ? Je n’ai pas oui dire qu’on ait jamais rien tenté de pareil ; & je n’aurois point cru qu’on y pût réussir, si je n’en avois la preuve sous mes yeux.

La patience & le tems, dit M. de Wolmar, ont fait ce miracle. Ce sont des expédiens dont les gens riches ne s’avisent guere dans leurs plaisirs. Toujours pressés de jouir, la force & l’argent sont les seuls moyens qu’ils connaissent : ils ont des oiseaux dans des cages & des amis à tant par mois. Si jamais des valets approchoient de ce lieu, vous

  1. Cette réponse n’est pas exacte, puisque le mot d’hôte est corrélatif de lui-même. Sans vouloir relever toutes les fautes de langue, je dois avertir de celles qui peuvent induite en erreur.