Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/127

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avoit quelque chose qui me déplaisait & ne me sembloit point assortie au reste.

Nous descendîmes par mille détours au bas du verger, où je trouvai toute l’eau réunie en un jolie ruisseau coulant doucement entre deux rangs de vieux saules qu’on avoit souvent ébranchés. Leurs têtes creuses & demi-chauves formoient des especes de vases d’où sortaient, par l’adresse dont j’ai parlé, des touffes de chevrefeuille, dont une partie s’entrelaçoit autour des branches & l’autre tomboit avec grâce le long du ruisseau. Presque à l’extrémité de l’enceinte étoit un petit bassin bordé d’herbes, de joncs, de roseaux, servant d’abreuvoir à la voliere & derniere station de cette eau si précieuse & si bien ménagée.

Au delà de ce bassin étoit un terre-plein terminé dans l’angle de l’enclos par une monticule garnie d’une multitude d’arbrisseaux de toute espece ; les plus petits vers le haut & toujours croissant en grandeur à mesure que le sol s’abaissait ; ce qui rendoit le plan des têtes presque horizontal, ou montroit au moins qu’un jour il le devoit être. Sur le devant étoient une douzaine d’arbres jeunes encore, mais faits pour devenir fort grands, tels que le hêtre, l’orme, le frêne, l’acacia. C’étoient les bocages de ce coteau qui servoient d’asile à cette multitude d’oiseaux dont j’avois entendu de loin le ramage ; & c’étoit à l’ombre de ce feuillage comme sous un grand parasol qu’on les voyoit voltiger, courir, chanter, s’agacer, se battre comme s’ils ne nous avoient pas appercus. Ils s’enfuirent si peu à notre approche, que, selon l’idée dont j’étois prévenu, je les crus d’abord enfermés par un grillage ; mais comme nous