Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/257

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Bon ! a-t-il repris, vous voilà raisonnant comme les astrologues. Quand on leur opposoit que deux hommes nés sous le même aspect avoient des fortunes si diverses, ils rejetoient bien loin cette identité. Ils soutenoient que, vu la rapidité des cieux, il y avoit une distance immense du theme de l’un de ces hommes à celui de l’autre & que, si l’on eût pu remarquer les deux instans précis de leurs naissances, l’objection se fût tournée en preuve.

Laissons, je vous prie, toutes ces subtilités & nous en tenons à l’observation. Elle nous apprend qu’il y a des caracteres qui s’annoncent presque en naissant & des enfans qu’on peut étudier sur le sein de leur nourrice. Ceux-là font une classe à part & s’élevent en commençant de vivre. Mais quant aux autres qui se développent moins vite, vouloir former leur esprit avant de le connoître, c’est s’exposer à gâter le bien que la nature a fait & à faire plus mal à sa place. Platon votre maître ne soutenait-il pas que tout le savoir humain, toute la philosophie ne pouvoit tirer d’une ame humaine que ce que la nature y avoit mis, comme toutes les opérations chimiques n’ont jamais tiré d’aucun mixte qu’autant d’or qu’il en contenoit déjà ? Cela n’est vrai ni de nos sentimens ni de nos idées ; mais cela est vrai de nos dispositions à les acquérir. Pour changer l’organisation intérieure ; pour changer un caractere, il faudroit changer le tempérament dont il dépend. Avez-vous jamais oui dire qu’un emporté soit devenu flegmatique & qu’un esprit méthodique & froid ait acquis de l’imagination ? Pour moi, je trouve qu’il seroit tout