Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/262

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en sueur, il s’endurcit comme eux aux injures de l’air & se rend plus robuste en vivant plus content. C’est le cas de songer à l’âge d’homme & aux accidens de l’humanité. Je vous l’ai déjà dit, je crains cette pusillanimité meurtriere qui, à force de délicatesse & de soins, affaiblit, effémine un enfant, le tourmente par une éternelle contrainte, l’enchaîne par mille vaines précautions, enfin l’expose pour toute sa vie aux périls inévitables dont elle veut le préserver un moment & pour lui sauver quelques rhumes dans son enfance, lui prépare de loin des fluxions de poitrine, des pleurésies, des coups de soleil & la mort étant grand.

Ce qui donne aux enfans livrés à eux-mêmes la plupart des défauts dont vous parliez, c’est lorsque, non contens de faire leur propre volonté, ils la font encore faire aux autres & cela par l’insensée indulgence des meres à qui l’on ne complaît qu’en servant toutes les fantaisies de leur enfant. Mon ami, je me flatte que vous n’avez rien vu dans les miens qui sentît l’empire & l’autorité, même avec le dernier domestique & que vous ne m’avez pas vue non plus applaudir en secret aux fausses complaisances qu’on a pour eux. C’est ici que je crois suivre une route nouvelle & sûre pour rendre à la fois un enfant libre, paisible, caressant, docile & cela par un moyen fort simple, c’est de le convaincre qu’il n’est qu’un enfant.

À considérer l’enfance en elle-même, y a-t-il au monde un être plus foible, plus misérable, plus à la merci de tout ce qui l’environne, qui ait si grand besoin de pitié, d’amour, de protection, qu’un enfant ? Ne semble-t-il pas que c’est