Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/361

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LETTRE XIV. D’HENRIETTE À SÀ MERE.

Où êtes-vous donc, Maman ? On dit que vous êtes à Geneve & que c’est si loin, si loin, qu’il faudroit marcher deux jours tout le jour pour vous atteindre : voulez-vous donc faire aussi le tour du monde ? Mon petit papa est parti ce matin pour Etange ; mon petit grand-papa est à la chasse ; ma petite maman vient de s’enfermer pour écrire ; il ne reste que ma mie Pernette & ma mie Fanchon. Mon Dieu ! je ne sais plus comment tout va ; mais depuis le départ de notre bon ami, tout le monde s’éparpille. Maman, vous avez commencé la premiere. On s’ennuyoit déjà bien quand vous n’aviez plus personne à faire endêver. Oh ! c’est encore pis depuis que vous êtes partie ; car la petite maman n’est pas non plus de si bonne humeur que quand vous y êtes. Maman, mon petit mali se porte bien ; mais il ne vous aime plus, parce que vous ne l’avez pas fait sauter hier comme à l’ordinaire. Moi, je crois que je vous aimerois encore un peu si vous reveniez bien vite, afin qu’on ne s’ennuyât pas tant. Si vous voulez m’appaiser tout-à-fait, apportez à mon petit Mali quelque chose qui lui fasse plaisir. Pour l’appaiser, lui, vous aurez bien l’esprit de trouver aussi ce qu’il faut faire. Ah mon Dieu ! si notre bon ami étoit ici, comme il l’auroit déjà deviné ! mon bel éventail est tout brisé ; mon ajustement bleu n’est plus qu’un chiffon ; ma