Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/414

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le soin que vous prendrez de nos enfans, alors vous connaîtrez par vous-même le prix de ce que vous aurez fait pour nous. Comblé des vrais biens de l’humanité, vous apprendrez à porter avec plaisir le doux fardeau d’une vie utile à vos proches ; vous sentirez enfin ce que la vaine sagesse des méchans n’a jamais pu croire, qu’il est un bonheur réservé des ce monde aux seuls amis de la vertu.

Réfléchissez à loisir sur le parti que je vous propose, non pour savoir s’il vous convient, je n’ai pas besoin là-dessus de votre réponse, mais s’il convient à Madame d’Orbe & si vous pouvez faire son bonheur comme elle doit faire le vôtre. Vous savez comment elle a rempli ses devoirs dans tous les états de son sexe ; sur ce qu’elle est, jugez ce qu’elle a droit d’exiger. Elle aime comme Julie, elle doit être aimée comme elle. Si vous sentez pouvoir la mériter, parlez ; mon amitié tentera le reste & se promet tout de la sienne. Mais si j’ai trop espéré de vous, au moins vous êtes honnête homme & vous connaissez sa délicatesse ; vous ne voudriez pas d’un bonheur qui lui coûteroit le sien : que votre cœur soit digne d’elle, ou qu’il ne lui soit jamais offert.

Encore une fois, consultez-vous bien. Pesez votre réponse avant de la faire. Quand il s’agit du sort de la vie, la prudence ne permet pas de se déterminer légerement ; mais toute délibération légere est un crime quand il s’agit du destin de l’ame & du choix de la vertu. Fortifiez la vôtre, ô mon bon ami, de tous les secours de la sagesse. La mauvaise honte m’empêcherait-elle de vous rappeler le plus nécessaire ? Vous