Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/413

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car je ne serai jamais contente de vous & de moi, que quand vous serez en effet tel que vous devez être & que vous aimerez les devoirs que vous avez à remplir. Eh ! mon ami, je devrois moins craindre cette répugnance qu’un empressement trop relatif à vos anciens penchans. Que ne fais-je point pour m’acquitter auprès de vous ? Je tiens plus que je n’avois promis. N’est-ce pas aussi Julie que je vous donne ? N’aurez-vous pas la meilleure partie de moi-même & n’en serez-vous pas plus cher à l’autre ? Avec quel charme alors je me livrerai sans contrainte à tout mon attachement pour vous ! Oui, portez-lui la foi que vous m’avez jurée ; que votre cœur remplisse avec elle tous les engagemens qu’il prit avec moi ; qu’il lui rende, s’il est possible, tout ce que vous redevez au mien. Ô Saint-Preux ! je lui transmets cette ancienne dette. Souvenez-vous qu’elle n’est pas facile à payer.

Voilà, mon ami, le moyen que j’imagine de nous réunir sans danger, en vous donnant dans notre famille la même place que vous tenez dans nos cœurs. Dans le nœud cher & sacré qui nous unira tous, nous ne serons plus entre nous que des sœurs & des freres ; vous ne serez plus votre propre ennemi ni le nôtre ; les plus doux sentimens, devenus légitimes, ne seront plus dangereux ; quand il ne faudra plus les étouffer on n’aura plus à les craindre. Loin de résister à des sentimens si charmans, nous en ferons à la fois nos devoirs & nos plaisirs ; c’est alors que nous nous aimerons tous plus parfaitement & que nous goûterons véritablement réunis les charmes de l’amitié, de l’amour & de l’innocence. Que si dans l’emploi dont vous vous chargez, le Ciel récompense du bonheur d’être pere