Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/49

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ton qui me perça l’ame, voilà les enfans de votre amie : ils seront vos amis un jour ; soyez le leur des aujourd’hui. Aussitôt ces deux petites créatures s’empresserent autour de moi, me prirent les mains & m’accablant de leurs innocentes caresses, tournerent vers l’attendrissement toute mon émotion. Je les pris dans mes bras l’un & l’autre ; & les pressant contre ce cœur agité : Chers & aimables enfans, dis-je avec un soupir, vous avez à remplir une grande tâche. Puissiez-vous ressembler à ceux de qui vous tenez la vie ; puissiez-vous imiter leurs vertus & faire un jour par les vôtres la consolation de leurs amis infortunés ! Madame de Wolmar enchantée me sauta au cou une seconde fois & sembloit me vouloir payer par ses caresses de celles que je faisois à ses deux fils. Mais quelle différence du premier embrassement à celui-là ! Je l’éprouvai avec surprise. C’étoit une mere de famille que j’embrassais ; je la voyois environnée de son époux & des ses enfans ; ce cortege m’en imposait. Je trouvois sur son visage un air de dignité qui ne m’avoit pas frappé d’abord ; je me sentois forcé de lui porter une nouvelle sorte de respect ; sa familiarité m’étoit presque à charge ; quelque belle qu’elle me parût, j’aurois baisé le bord de sa robe de meilleur cœur que sa joue : des cet instant, en un mot, je connus qu’elle ou moi n’étions plus les mêmes & je commençai tout de bon à bien augurer de moi.

M. de Wolmar me prenant par la main, me conduisit ensuite au logement qui m’étoit destiné. Voilà, me dit-il en y entrant, votre appartement : il n’est point celui d’un étranger ; il ne sera plus celui d’un autre ; & désormois il restera