Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/73

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savoir de mes nouvelles. À la promenade il n’affecte point d’avoir son chapeau cloué sur sa tête, pour montrer qu’il sait les bons airs [1]. À table, je lu ai demandé souvent sa tabatiere qu’il n’appelle pas sa boîte ; toujours il me l’a présentée avec la main, jamais sur une assiette comme un laquais ; il n’a pas manqué de boire à ma santé deux fois au moins par repas & je parie que s’il nous restoit cet hiver, nous le verrions, assis avec nous autour du feu, se chauffer en vieux bourgeois. Tu ris, cousine ; mais montre-moi un des nôtres fraîchement venu de Paris qui ait conservé cette bonhomie. Au reste, il me semble que tu dois trouver notre philosophe empiré dans un seul point ; c’est qu’il s’occupe un peu plus des gens qui lui parlent, ce qui ne peut se faire qu’à ton préjudice ; sans aller pourtant, je pense, jusqu’à le raccommoder avec Madame Belon. Pour moi, je le trouve mieux en ce qu’il est plus grave & plus sérieux que jamais. Ma mignonne, garde-le-moi bien soigneusement jusqu’à mon arrivée. Il est précisément comme il me le faut, pour avoir le plaisir de le désoler tout le long du jour.

Admire ma discrétion ; je ne t’ai rien dit encore du présent que je t’envoye & qui t’en promet bientôt un autre :

  1. À Paris on se pique sur-tout de rendre la société commode & facile & c’est dans une foule de regles de cette importance qu’on y fait consister cette facilité. Tout est usages & loix dans la bonne compagnie. Tous ces usages naissent & passent comme un éclair. Le savoir-vivre consiste à se tenir toujours au guet ; à les saisir au passage, à les affecter, a montrer qu’on fait celui du jour. Le tout pour être simple.