Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mûriers noirs commencent à ombrager la cour ; & l’on a planté deux rangs de noyers jusqu’au chemin, à la place des vieux tilleuls qui bordoient l’avenue. Partout on a substitué l’utile à l’agréable & l’agréable y a presque toujours gagné. Quant à moi, du moins, je trouve que le bruit de la basse-cour, le chant des coqs, le mugissement du bétail, l’attelage des chariots, les repas des champs, le retour des ouvriers ; & tout l’appareil de l’économie rustique, donnent à cette maison un air plus champêtre, plus vivant, plus animé, plus gai, je ne sais quoi qui sent la joie & le bien-être, qu’elle n’avoit pas dans sa morne dignité.

Leurs terres ne sont pas affermées, mais cultivées par leurs soins ; & cette culture fait une grande partie de leurs occupations, de leurs biens & de leurs plaisirs. La baronnie d’Etange n’a que des prés, des champs & du bois ; mais le produit de Clarens est en vignes, qui font un objet considérable ; & comme la différence de la culture y produit un effet plus sensible que dans les blés, c’est encore une raison d’économie pour avoir préféré ce dernier séjour. Cependant ils vont presque tous les ans faire les moissons à leur terre & M. de Wolmar y va seul assez fréquemment. Ils ont pour maxime de tirer de la culture tout ce qu’elle peut donner, non pour faire un plus grand gain, mais pour nourrir plus d’hommes. M. de Wolmar prétend que la terre produit à proportion du nombre des bras qui la cultivent : mieux cultivée, elle rend davantage ; cette surabondance de production donne de quoi la cultiver mieux encore ; plus on y met d’hommes & de bétail, plus elle fournit d’excédent à leur entretien. On ne sait,