Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/83

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métier de servir tout le monde, sans jamais s’attacher à personne. Il ne peut régner ni honnêteté, ni fidélité, ni zele, au milieu de pareilles gens & ce ramassis de canaille ruine le maître & corrompt les enfans dans toutes les maisons opulentes. Ici c’est une affaire importante que le choix des domestiques. On ne les regarde point seulement comme des mercenaires dont on n’exige qu’un service exact ; mais comme des membres de la famille, dont le mauvais choix est capable de la désoler. La premiere chose qu’on leur demande est d’être honnêtes gens ; la seconde d’aimer leur maître ; la troisieme de le servir à son gré ; mais pour peu qu’un maître soit raisonnable & un domestique intelligent, la troisieme suit toujours les deux autres. On ne les tire donc point de la ville mais de la campagne. C’est ici leur premier service & ce sera suremen le dernier pour tous ceux qui vaudront quelque chose. On les prend dans quelque famille nombreuse & surchargée d’enfans, dont les peres & meres viennent les offrir eux-mêmes. On les choisit jeunes, bien faits, de bonne santé & d’une physionomie agréable. M. de Wolmar les interroge, les examine, puis les présente à sa femme. S’ils agréent à tous deux, ils sont reçus, d’abord à l’épreuve, ensuite au nombre des gens, c’est-à-dire des enfans de la maison & l’on passe quelques jours à leur apprendre avec beaucoup de patience & de soin ce qu’ils ont à faire. Le service est si simple, si égal, si uniforme, les maîtres ont si peu de fantaisie & d’humeur & leurs domestiques les affectionnent si promptement, que cela est bientôt appris. Leur condition est douce ; ils sentent un bien-être qu’ils n’avoient pas chez eux ;