Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/97

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présence ; on y amene quelquefois les enfans ; les étrangers même y viennent, attirés par la curiosité & plusieurs ne demanderoient pas mieux que d’y concourir ; mais nul n’est jamais admis qu’avec l’agrément des maîtres & du consentement des joueurs, qui ne trouveroient pas leur compte à l’accorder aisément. Insensiblement il s’est fait de cet usage une espece de spectacle, où les acteurs, animés par les regards du public, préferent la gloire des applaudissemens à l’intérêt du prix. Devenus plus vigoureux & plus agiles, ils s’en estiment davantage ; & s’accoutumant à tirer leur valeur d’eux-mêmes plutôt que de ce qu’ils possedent, tout valets qu’ils sont, l’honneur leur devient plus cher que l’argent.

Il seroit long de vous détailler tous les biens qu’on retire ici d’un soin si puéril en apparence & toujours dédaigné des esprits vulgaires, tandis que c’est le propre du vrai génie de produire de grands effets par de petits moyens. M. de Wolmar m’a dit qu’il lui en coûtoit à peine cinquante écus par an pour ces petits établissemens que sa femme a la premiere imaginés. Mais, dit-il, combien de fois croyez-vous que je regagne cette somme dans mon ménage & dans mes affaires par la vigilance & l’attention que donnent à leur service des domestiques attachés qui tiennent tous leurs plaisirs de leurs maîtres, par l’intérêt qu’ils prennent à celui d’une maison qu’ils regardent comme la leur, par l’avantage de profiter dans leurs travaux de la vigueur qu’ils acquierent dans leurs jeux, par celui de les conserver toujours sains en les garantissant des exces ordinaires à leurs pareils & des maladies qui sont la suite ordinaire de ces exces, par celui de prévenir en eux