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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/151

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infliger aux enfans le châtiment comme châtiment, mais qu’il doit toujours leur arriver comme une suite naturelle de leur mauvaise action. Ainsi vous ne déclamerez point contre le mensonge, vous ne les punirez point précisément pour avoir menti ; mais vous ferez que tous les mauvais effets du mensonge, comme de n’être point cru quand on dit la vérité, d’être accusé du mal qu’on n’a point fait, quoiqu’on s’en défende, se rassemblent sur leur tête quand ils ont menti. Mais expliquons ce que c’est que mentir pour les enfans.

Il y a deux sortes de mensonges ; celui de fait qui regarde le passé, celui de droit qui regarde l’avenir. Le premier a lieu quand on nie d’avoir fait ce qu’on a fait, ou quand on affirme avoir fait ce qu’on n’a pas fait, & en général quand on parle sciemment contre la vérité de choses. L’autre a lieu quand on promet ce qu’on n’a pas dessein de tenir, & en général quand on montre une intention contraire à celle qu’on a. Ces deux mensonges peuvent quelquefois se rassembler dans le même [1] ; mais je les considere ici par ce qu’ils ont de différent.

Celui qui sent le besoin qu’il a du secours des autres, & qui ne cesse d’éprouver leur bienveillance, n’a nul intérêt de les tromper ; au contraire, il a un intérêt sensible qu’ils voient les choses comme elles sont, de peur qu’ils ne se trompent à son préjudice. Il est donc clair que le mensonge

  1. (10) Comme, lorsqu’accusé d’une mauvaise action, le coupable s’en défend en se disant honnête homme. Il ment alors dans le fait & dans le droit.