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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/192

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menterez point ses caprices. En ne faisant jamais que ce qui lui convient, il ne fera bientôt que ce qu’il doit faire ; & bien que son corps soit dans un mouvement continuel, tant qu’il s’agira de son intérêt présent & sensible, vous verrez toute la raison dont il est capable se développer beaucoup mieux, & d’une maniere beaucoup plus appropriée à lui, que dans des études de pure spéculation.

Ainsi, ne vous voyant point attentif à le contrarier, ne se défiant point de vous, n’ayant rien à vous cacher, il ne vous trompera point, il ne vous mentira point, il se montrera tel qu’il est sans crainte ; vous pourrez l’étudier tout à votre aise, & disposer tout autour de lui les leçons que vous voulez lui donner, sans qu’il pense jamais en recevoir aucune.

Il n’épiera point, non plus, vos mœurs avec une curieuse jalousie, & ne se fera point un plaisir secret de vous prendre en faute. Cet inconvénient que nous prévenons est très-grand. Un des premiers soins des enfans est, comme je l’ait dit, de découvrir le foible de ceux qui les gouvernent. Ce penchant porte à la méchanceté, mais il n’en vient pas : il vient du besoin d’éluder une autorité qui les importune. Surchargés du joug qu’on leur impose, ils cherchent à le secouer, & les défauts qu’ils trouvent dans les maîtres, leur fournissent de bons moyens pour cela. Cependant l’habitude se prend d’observer les gens par leurs défauts, & de se plaire à leur en trouver. Il est clair que voilà encore une source de vices bouchée dans le cœur d’Émile ; n’ayant nul intérêt à me trou-