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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/211

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jettir aux regles ; mais la premiere est de pouvoir les enfreindre sans risque quand la nécessité le veut. N’allez donc pas amollir indiscretement votre Éleve dans la continuité d’un paisible sommeil, qui ne soit jamais interrompu. Livrez-le d’abord sans gêne à la loi de la nature, mais n’oubliez pas que parmi nous il doit être au-dessus de cette loi qu’il doit pouvoir se coucher tard, se lever matin être éveillé brusquement, passer les nuits debout, sans en être incommodé. En s’y prenant assez tôt, en allant toujours doucement & par degrés, on forme le tempérament aux mêmes choses qui le détruisent, quand on l’y soumet déjà tout formé.

Il importe de s’accoutumer d’abord à être mal couché ; c’est le moyen de ne plus trouver de mauvais lit. En général la vie dure, une fois tournée en habitude, multiplie les sensations agréables : la vie molle en prépare une infinité de déplaisantes. Les gens élevés trop délicatement ne trouvent plus le sommeil que sur le duvet ; les gens accoutumés à dormir sur des planches le trouvent par-tout : il n’y a point de lit dur pour qui s’endort en se couchant.

Un lit mollet, où l’on s’ensevelit dans la plume ou dans l’édredon, fond & dissoud le corps, pour ainsi dire. Le reins enveloppés trop chaudement s’échauffent. De-là résultent souvent la pierre ou d’autres incommodités, & infailliblement une complexion délicate qui les nourrit toutes.

Le meilleur lit est celui qui procure un meilleur sommeil. Voilà celui que nous nous préparons Émile & moi pendant