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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/210

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passage libre. Or, je ne prétends pas qu’Émile s’exerce l’hiver au coin d’un bon feu, mais dehors en pleine campagne au milieu des glaces. Tant qu’il ne s’échauffera qu’à faire & lancer des balles de neige, laissons-le boire quand il aura soif, qu’il continue de s’exercer après avoir bu, & n’en craignons aucun accident. Que si par quelqu’autre exercice il se met en sueur, & qu’il ait soif ; qu’il boive froid, même en ce tems là. Faites seulement en sorte de le mener au loin & à petits pas chercher son eau. Par le froid qu’on suppose, il sera suffisamment rafraîchi en arrivant, pour la boire sans aucun danger. Sur-tout prenez ces précautions sans qu’il s’en apperçoive. J’aimerois mieux qu’il fût quelquefois malade que sans cesse attentif à sa santé.

Il faut un long sommeil aux enfans, parce qu’ils font un extrême exercice. L’un sert de correctif à l’autre ; aussi voit-on qu’ils ont besoin de tous deux. Le tems du repos est celui de la nuit, il est marqué par la nature. C’est une observation constante que le sommeil est plus tranquille & plus doux tandis que le soleil est sous l’horizon ; & que l’air échauffé de ses rayons ne maintient pas nos sens dans un si grand calme. Ainsi l’habitude la plus salutaire est certainement de se lever et de se coucher avec le soleil. D’où il suit que dans nos climats l’homme & tous les animaux ont en général besoin de dormir plus long-tems l’hiver que l’été. Mais la vie civile n’est pas assez simple, assez naturelle, assez exempte de révolutions, d’accidens, pour qu’on doive accoutumer l’homme à cette uniformité, au point de la lui rendre nécessaire. Sans doute il faut s’assu-