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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/234

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nous asservir à cette pratique, nos mesures par estimation sont très-inexactes. Nous n’avons nulle précision dans le coup-d’œil pour juger les hauteurs, les longueurs, les profondeurs, les distances ; & la preuve que ce n’est pas tant la faute du sens que de son usage, c’est que les Ingénieurs, les Arpenteurs, les Architectes, les Maçons, les Peintres, ont en général le coup-d’œil beaucoup plus sûr que nous, & apprécient les mesures de l’étendue avec plus de justesse ; parce que leur métier leur donnant en ceci l’inexpérience que nous négligeons d’acquérir, ils ôtent l’équivoque de l’angle, par les apparences qui l’accompagnent, & qui déterminent plus exactement à leurs yeux, le rapport des deux causes de cet angle.

Tout ce qui donne du mouvement au corps sans le contraindre, est toujours facile à obtenir des enfans. Il y a mille moyens de les intéresser à mesurer, à connoître, à estimer les distances. Voilà un cerisier fort haut, comment ferons-nous pour cueillir des cerises ? l’échelle de la grange est-elle bonne pour cela ? Voilà un ruisseau fort large, comment le traverserons-nous ? une des planches de la cour posera-t-elle sur les deux bords ? Nous voudrions de nos fenêtres, pêcher dans les fossés du Château ; combien de brasses doit avoir notre ligne ? Je voudrois faire une escarpolette entre ces deux arbres ; une corde de deux toises nous suffira-t-elle ? On me dit que dans l’autre maison notre chambre aura vingt-cinq pieds quarrés ; croyez-vous qu’elle nous convienne ? sera-t-elle plus grande que celle-ci ? Nous avons grand faim, voilà deux villages, auquel des deux serons-nous plus tôt pour dîner ? &c.