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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/242

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d’acanthe, & qu’il trace moins bien le feuillage d’un chapiteau.

Au reste, dans cet exercice, ainsi que dans tous les autres, je ne prétends pas que mon Éleve en ait seul l’amusement. Je veux le lui rendre plus agréable encore en le partageant sans cesse avec lui. Je ne veux point qu’il ait d’autre émule que moi, mais je serai son émule sans relâche & sans risque ; cela mettra de l’intérêt dans ses occupations sans causer de jalousie entre nous. Je prendrai le crayon à son exemple, je l’emploierai d’abord aussi mal-adroitement que lui. Je serois un Apelles que je ne me trouverai qu’un barbouilleur. Je commencerai par tracer un homme comme les laquais les tracent contre les murs ; une barre pour chaque bras, une barre pour chaque jambe, & des doigts plus gros que le bras. Bien long-tems après nous nous appercevrons l’un ou l’autre de cette disproportion ; nous remarquerons qu’une jambe a de l’épaisseur, que cette épaisseur n’est pas par-tout la même, que le bras a sa longueur déterminée par rapport au corps, &c. Dans ce progrès je marcherai tout au plus à côté de lui, ou je le devancerai de si peu, qu’il lui sera toujours aisé de m’atteindre, & souvent de me surpasser. Nous aurons des couleurs, des pinceaux ; nous tâcherons d’imiter le coloris des objets & toute leur apparence aussi bien que leur figure. Nous enluminerons, nous peindrons, nous barbouillerons ; mais dans tous nos barbouillages nous ne cesserons d’épier la nature ; nous ne ferons jamais rien que sous les yeux du maître.

Nous étions en peine d’ornemens pour notre chambre, en