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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/243

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voilà de tout trouvés. Je fais encadrer nos dessins ; je les fais couvrir de beaux verres, afin qu’on n’y touche plus, & que, les voyant rester dans l’état où nous les avons mis, chacun ait intérêt de ne pas négliger les siens. Je les arrange par ordre autour de la chambre, chaque dessin répété vingt, trente fois, & montrant à chaque exemplaire le progrès de l’auteur, depuis le moment où la maison n’est qu’un quarré presqu’informe, jusqu’à celui où sa façade, son profil, ses proportions, ses ombres, sont dans la plus exacte vérité. Ces gradations ne peuvent manquer de nous offrir sans cesse des tableaux intéressans pour nous, curieux pour d’autres, & d’exciter toujours plus notre émulation. Aux premiers, aux plus grossiers de ces dessins je mets des cadres bien brillans, bien dorés, qui les rehaussent ; mais quand l’imitation devient plus exacte, & que le dessin est véritablement bon, alors je ne lui donne plus qu’un cadre noir très-simple ; il n’a plus besoin d’autre ornement que lui-même, & ce seroit dommage que la bordure partageât l’attention que mérite l’objet. Ainsi chacun de nous aspire à l’honneur du cadre uni ; & quand l’un veut dédaigner un dessin de l’autre, il le condamne au cadre doré. Quelque jour, peut-être, ces cadres dorés passeront entre nous en proverbe, & nous admirerons combien d’hommes se rendent justice, en se faisant encadrer ainsi.

J’ai dit que la Géométrie n’étoit pas à la portée des enfans ; mais c’est notre faute. Nous ne sentons pas que leur méthode n’est point la nôtre, & que ce qui devient pour nous l’art de raisonner, ne doit être pour eux que l’art de voir. Au lieu de leur donner notre méthode, nous ferions mieux de pren-