Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/274

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Sa figure, son port, sa contenance, annoncent l’assurance & le contentement ; la santé brille sur son visage ; ses pas affermis lui donnent un air de vigueur ; son teint, délicat encore sans être fade, n’a rien d’une mollesse efféminée ; l’air & le soleil y ont déjà mis l’empreinte honorable de son sexe ; ses muscles, encore arrondis, commencent à marquer quelques traits d’une physionomie naissante ; ses yeux, que le feu du sentiment n’aime point encore, ont au moins tout leur sérénité native [1] ; de longs chagrins ne les ont point obscurcis, des pleurs sans fin n’ont point sillonne ses vivacité de son âge, la fermeté de l’indépendance, l’expérience des exercices multipliés. Il a l’air ouverte & libre, mais non pas insolent ni vain : son visage, qu’on n’a pas collé sur des livres, ne tombe point sur son estomac ; on n’a pas besoin de lui dire : levez la tête ; la honte ni la crainte ne la lui tirent jamais baisser.

Faisons-lui place au milieu de l’assemblée : messieurs, examinez-le, interrogez en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N’ayez pas peur qu’il s’empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, & que vous ne puissiez plus vous en défaire.

N’attendez pas non plus de lui des propos agréables, ni qu’il vous dise ce que je lui aurai dicté ; n’en attendez

  1. Natia. J’emploie ce mot dans une acception italienne, faute de lui trouver un synonyme en français. Si j’ai tort, peu importe, pourvu qu’on m’entende.