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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/278

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desseins, & rarement il agira sans être assuré du succès. Il aura l’œil attentif & judicieux ; il n’ira pas niaisement interrogeant les autres sur tout ce qu’il voit, mais il l’examinera lui-même, & se fatiguera pour trouver ce qu’il veut apprendre, avant de le demander. S’il tombe dans des embarras imprévus, il se troublera moins qu’un autre ; s’il y a du risque il s’effrayera moins aussi. Comme son imagination reste encore inactive & qu’on n’a rien fait pour l’animer, il ne voit que ce qui est, n’estime les dangers que ce qu’ils valent, & garde toujours son sang-froid. La nécessité s’appésantit trop souvent sur lui pour qu’il regimbe encore contre elle ; il en porte le joug dès sa naissance, l’y voilà bien accoutumé ; il est toujours prêt à tout.

Qu’il s’occupe ou qu’il s’amuse, l’un & l’autre est égal pour lui, ses jeux sont ses occupations, il n’y sent point de différence. Il met à tout ce qu’il fait un intérêt qui fait rire & une liberté qui plait, en montrant à la fois le tour de son esprit & la sphere de ses connoissances. N’est-ce pas le spectacle de cet âge, un spectacle charmant & doux de voir un joli enfant, l’œil vif & gai, l’air content & serein, la physionomie ouverte & riante, faire en se jouant les choses les plus sérieuses, ou profondément occupé des plus frivoles amusements ?

Voulez-vous à présent le juger par comparaison ? Mêlez-le avec d’autres enfans, & laissez-le faire. Vous verrez bientôt lequel est le plus vraiment formé, lequel approche le mieux de la perfection de leur âge. Parmi les enfans de la ville, nul n’est plus adroit que lui, mais il est plus fort qu’aucun