Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/314

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maître qui veuille bien rester court & convenir de ses torts avec son élève ? tous se font une loi de ne pas convenir même de ceux qu’ils ont ; & moi je m’en ferois une de convenir même de ceux que je n’aurois pas, quand je ne pourrois mettre mes raisons à sa portée : ainsi ma conduite, toujours nette dans son esprit, ne lui serait jamais suspecte & je me conserverois plus de crédit en me supposant des fautes, qu’ils ne font en cachant les leurs.

Premièrement, songez bien que c’est rarement à vous de lui proposer ce qu’il doit apprendre ; c’est à lui de le désirer, de le chercher, de le trouver ; à vous de le mettre à sa portée, de faire naître adroitement ce désir & de lui fournir les moyens de le satisfaire. Il suit de là que vos questions doivent être peu fréquentes, mais bien choisies ; & que, comme il en aura beaucoup plus à vous faire que vous à lui, vous serez toujours moins à découvert, & plus souvent dans le cas de lui dire : en quoi ce que vous me demandez est-il utile à savoir ?

De plus, comme il importe peu qu’il apprenne ceci ou cela, pourvu qu’il conçoive bien ce qu’il apprend, & l’usage de ce qu’il apprend, sitôt que vous n’avez pas à lui donner sur ce que vous lui dites un éclaircissement qui soit bon pour lui, ne lui en donnez point du tout. Dites-lui sans scrupule : je n’ai pas de bonne réponse à vous faire ; j’avois tort, laissons cela. Si votre instruction étoit réellement déplacée, il n’y a pas de mal à l’abandonner tout à fait ; si elle ne l’étoit pas, avec un peu de soin vous trouverez bientôt l’occasion de lui en rendre l’utilité sensible.