Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/317

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recrus, bien affames, nous ne faisons avec nos courses que nous égarer davantage. Nous nous asseyons enfin pour nous reposer, pour délibérer. émile que je surppose élevé comme un autre enfant, ne délibère point, il pleure ; il ne sait pas que nous sommes à la porte de Montmorency, & qu’un simple taillis nous le cache ; mais ce taillis est une forêt pour lui, un homme de sa stature est enter dans des buissons.

Après quelques moments de silence, je lui dis d’un air inquiet : Mon cher émile, comment ferons-nous pour sortir d’ici ?

EMILE, en nage, & pleurant à chaudes larmes.

Je n’en sais rien. Je suis las ; j’ai faim ; j’ai soif ; je n’en puis plus.

JEAN-JACQUES

Me croyez-vous en meilleur état que vous ? & pensez-vous que je me fisse faute de pleurer, si je pouvois déjeuner de mes larmes ? Il ne s’agit pas de pleurer, il s’agit de se reconnaître. Voyons votre montre ; quelle heure est-il ?

EMILE

Il est midi, & je suis à jeun.

JEAN-JACQUES

Cela est vrai, il est midi, & je suis à jeun.

EMILE

Oh ! que vous devez avoir faim !