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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/38

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étonné des changements que vous produirez. Tout vient successivement de cette premiere dépravation : tout l’ordre moral s’altère ; le naturel s’éteint dans tous les cœurs ; l’intérieur des maisons prend un air moins vivant ; le spectacle touchant d’une famille naissante n’attache plus les maris, n’impose plus d’égards aux étrangers ; on respecte moins la mere dont on ne voit pas les enfans ; il n’y a point de résidence dans les familles ; l’habitude ne renforce plus les liens du sang ; il n’y a plus ni peres ni meres ni enfants, ni freres, ni sœurs ; tous se connoissent à peine, comment s’aimeroient-ils ? Chacun ne songe plus qu’à soi. Quand la maison n’est qu’une triste solitude, il faut bien aller s’égayer ailleurs.

Mais que les meres daignent nourrir leurs enfants, les mœurs vont se réformer d’elles-mêmes, les sentimens de la nature se réveiller dans tous les cœurs ; l’État va se repeupler ; ce premier point, ce point seul va tout réunir. L’attrait de la vie domestique est le meilleur contre-poison des mauvaises mœurs. Le tracas des enfans, qu’on croit importun devient agréable ; il rend le pere & la mere plus nécessaires, plus chers l’un à l’autre, il resserre entre eux le lien conjugal. Quand la famille est vivante & animée, les soins domestiques font la plus chére occupation de la femme & le plus doux amusement du mari. Ainsi de ce seul abus corrigé résulteroit bientôt une réforme générale ; bientôt la nature auroit repris tous ses droits. Qu’une fois les femmes redeviennent meres, bientôt les hommes redeviendront peres & maris.

Discours superflus ! l’ennui même des plaisirs du monde