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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/386

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donnant mutuellement les prémices de leur personne, en sont plus chers l’un à l’autre ; des multitudes d’enfans sains & robustes deviennent le gage d’une union que rien n’altere, & le fruit de la sagesse de leurs premiers ans.

Si l’âge où l’homme acquiert la conscience de son sexe, differe autant par l’effet de l’éducation que par l’action de la Nature, il suit de-là qu’on peut accélérer & retarder cet âge selon la maniere dont on élevera les enfans ; & si le corps gagne ou perd de la consistance à mesure qu’on retarde ou qu’on accélere ce progrès, il suit aussi que, plus on s’applique à le retarder, plus un jeune homme acquiert de vigueur & de force. Je ne parle encore que des effets purement physiques : on verra bientôt qu’ils ne se bornent pas là.

De ces réflexions je tire la solution de cette question si souvent agitée, s’il convient d’éclairer les enfans de bonne heure sur les objets de leur curiosité, ou s’il vaut mieux leur donner le change par de modestes erreurs ? Je pense qu’il ne faut faire ni l’un ni l’autre. Premierement, cette curiosité ne leur vient point sans qu’on y ait donné lieu. Il faut donc faire en sorte qu’ils ne l’aient pas. En second lieu, des questions qu’on n’est pas forcé de résoudre, n’exigent point qu’on trompe celui qui les fait : il vaut mieux lui imposer silence que de lui répondre en mentant. Il sera peu surpris de cette loi, si l’on a pris soin de l’y asservir dans les choses indifférentes. Enfin si l’on prend le parti de répondre, que ce soit avec la plus grande simplicité, sans mystere, sans embarras, sans sourire. Il y a beaucoup moins