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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/387

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de danger à satisfaire la curiosité de l’enfant qu’à l’exciter.

Que vos réponses soient toujours graves, courtes, décidées, & sans jamais paroître hésiter. Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’elles doivent être vraies. On ne peut apprendre aux enfans le danger de mentir aux hommes, sans sentir, de la part des hommes, le danger plus grand de mentir aux enfans. Un seul mensonge avéré du maître à l’Éleve, ruineroit à jamais tout le fruit de l’éducation.

Une ignorance absolue sur certaines matieres, est, peut-être, ce qui conviendroit le mieux aux enfans : mais qu’ils apprennent de bonne heure ce qu’il est impossible de leur cacher toujours. Il faut, ou que leur curiosité ne s’éveille en aucune maniere, ou qu’elle soit satisfaite avant l’âge où elle n’est plus sans danger. Votre conduite avec votre Éleve dépend beaucoup, en ceci, de sa situation particuliere, des sociétés qui l’environnent, des circonstances où l’on prévoit qu’il pourra se trouver, &c. Il importe ici de ne rien donner au hazard, & si vous n’êtes pas sûr de lui faire ignorer jusqu’à seize ans la différence des sexes, ayez soin qu’il l’apprenne avant dix.

Je n’aime point qu’on affecte avec les enfans un langage trop épuré, ni qu’on fasse de longs détours, dont ils s’apperçoivent, pour éviter de donner aux choses leur véritable nom. Les bonnes mœurs, en ces matieres, ont toujours beaucoup de simplicité ; mais des imaginations souillées par le vice rendent l’oreille délicate, & forcent de rafiner sans cesse sur les expressions. Les termes grossiers sont sans conséquence ; ce sont les idées lascives qu’il faut écarter.