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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/392

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ples : tout cela n’est point fait pour lui. Ce n’est pas une erreur artificieuse qu’on lui donne par cette méthode, c’est l’ignorance de la Nature. Le tems vient où la même Nature prend soin d’éclairer son Éleve ; & c’est alors seulement qu’elle l’a mis en état de profiter sans risque des leçons qu’elle lui donne. Voilà le principe : le détail des regles n’est pas de mon sujet & les moyens que je propose en vue d’autres objets, servent encore d’exemple pour celui-ci.

Voulez-vous mettre l’ordre & la regle dans les passions naissantes ? étendez l’espace durant lequel elles se développent, afin qu’elles aient le tems de s’arranger à mesure qu’elles naissent. Alors ce n’est pas l’homme qui les ordonne, c’est la Nature elle-même ; votre soin n’est que de la laisser arranger son travail. Si votre Éleve étoit seul, vous n’auriez rien à faire ; mais tout ce qui l’environne, enflamme son imagination. Le torrent des préjugés l’entraîne ; pour le retenir, il faut le pousser en sens contraire. Il faut que le sentiment enchaîne l’imagination, & que la raison fasse taire l’opinion des hommes. La source de toutes les passions est la sensibilité ; l’imagination détermine leur pente. Tout être qui sent ses rapports, doit être affecté quand ces rapports s’alterent, & qu’il en imagine, ou qu’il en croit imaginer de plus convenables à sa nature. Ce sont les erreurs de l’imagination qui transforment en vices les passions de tous les êtres bornés, même des Anges, s’ils en ont : car il faudroit qu’ils connussent la nature de tous les êtres pour savoir quels rapports conviennent le mieux à la leur.

Voici donc le sommaire de toute la sagesse humaine dans