Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/401

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malheurs ; mais, tant qu’il prospère, il n’a de véritable ami que celui qui n’est pas la dupe des apparences, et qui le plaint plus qu’il ne l’envie, malgré sa prospérité.

On est touché du bonheur de certains états, par exemple de la vie champêtre et pastorale. Le charme de voir ces bonnes gens heureux n’est point empoisonné Par l’envie ; on s’intéresse à eux véritablement. Pourquoi cela ? Parce qu’on se sent maître de descendre à cet état de paix &’innocence, & de jouir de la même félicité ; c’est un pis-aller qui ne donne que des idées agréables, attendu qu’il suffit d’en vouloir jouir pour le pouvoir. Il y a toujours du plaisir à voir ses ressources, à contempler son propre bien, même quand on n’en veut pas user.

Il suit de là que, pour porter un jeune homme à l’humanité, loin de lui faire a mirer le sort brillant des autres, il faut le lui montrer par les côtés tristes ; il faut le lui faire craindre. Alors, par une conséquence évidente, il doit se frayer une route au bonheur, qui ne soit sur les traces de personne.

DEUXIEME MAXIME

On ne plaint jamais dans autrui que les maux dont on ne je croit pas exempt soi-même.

Non ignara mali, miseris succurrere disco.

Je ne connois rien de si beau, de si profond, de si touchant, de si vrai, que ce vers-là.

Pourquoi les rois sont-ils sans pitié pour leurs sujets ?