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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/419

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imparfait. Les opérations de l’esprit se sentent à leur tour de cette altération, & l’ame aussi débile que le corps n’a que des fonctions foibles & languissantes. Des membres gros & robustes ne font ni le courage ni le génie, & je conçois que la force de l’ame n’accompagne pas celle du corps, quand d’ailleurs les organes de la communication des deux substances sont mal disposés. Mais quelque bien disposés qu’ils puissent être, ils agiront toujours foiblement, s’ils n’ont pour principe qu’un sang épuisé, appauvri, & dépourvu de cette substance qui donne de la force & du jeu à tous les ressorts de la machine. Généralement on apperçoit plus de vigueur d’ame dans les hommes dont les jeunes ans ont été préservés d’une corruption prématurée, que dans ceux dont le désordre a commencé avec le pouvoir de s’y livrer ; & c’est, sans doute, une des raisons pourquoi les peuples qui ont des mœurs surpassent ordinairement en bon sens & en courage les peuples qui n’en ont pas. Ceux-ci brillent uniquement par je ne sais quelles petites qualités déliées, qu’ils appellent esprit, sagacité, finesse ; mais ces grandes & nobles fonctions de sagesse & de raison qui distinguent & honorent l’homme par de belles actions, par des vertus, par des soins véritablement utiles, ne se trouvent gueres que dans les premiers.

Les maîtres se plaignent que le feu de cet âge rend la jeunesse indisciplinable, & je le vois ; mais n’est-ce pas leur faute ? Sitôt qu’ils ont laissé prendre à ce feu son cours par les sens, ignorent-ils qu’on ne peut plus lui en donner un autre ? Les longs & froids sermons d’un pédant efface-