Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/53

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eux un objet commun. Sitôt qu’ils envisagent dans l’éloignement leur séparation, sitôt m’ils, prévoient le moment qui doit les rendre étrangers, l’un a l’autre, ils le sont déjà ; chacun fait son petit système a part ; & tous deux, occupés du temps où ils ne seront plus ensemble, n’y restent qu’à contrecœur. Le disciple ne regarde le maître que comme l’enseigne et le fléau de l’enfance ; le maître ne regarde le disciple que comme un lourd fardeau dont il brûle d’être déchargé ; ils aspirent de concert au moment de se voir délivrés l’un de l’autre ; et, comme il n’y a jamais entre eux de véritable attachement, l’un doit avoir peu de vigilance, l’autre peu de docilité.

Mais, quand ils se regardent comme devant passer leurs ours ensemble, il leur importe de se faire aimer l’un de l’autre, & par cela même ils se deviennent chers. L’élève ne rougit point de suivre dans son enfance l’ami qu’il doit avoir étant grand ; le gouverneur prend intérêt à des soins dont il doit recueillir le fruit, & tout le mérite qu’il donne à son élève est un fonds qu’il place au profit de ses vieux jours.

Ce traité fait d’avance suppose un accouchement heureux, un enfant bien formé, vigoureux & sain. Un pere n’a point de choix & ne doit point avoir de préférence dans la famille que Dieu lui donne : tous ses enfans sont également ses enfants ; il leur doit à tous les mêmes soins & la même tendresse. Qu’ils soient estropiés ou non, qu’ils soient languissants ou robustes, chacun d’eux est un dépôt dont il doit compte à la main dont il le tient, & le