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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/63

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Il faut que la nourrice vive un peu plus commodément, qu’elle prenne des alimens un peu plus substantiels, mais non qu’elle change tout-à-fait de maniere de vivre ; car un changement prompt & total, même de mal en mieux, est toujours dangereux pour la santé ; & puisque son régime ordinaire l’a laissée ou rendue saine & bien constituée, à quoi bon lui en faire changer ?

Les paysannes mangent moins de viande & plus de légumes que les femmes de la ville ; ce régime végétal paroit plus favorable que contraire à elles & à leurs enfans. Quand elles ont des nourrissons bourgeois, on leur donne des pot-au-feux, persuadé que le potage & le bouillon de viande leur font un meilleur chyle & fournissent plus de lait. Je ne suis point du tout de ce sentiment ; & j’ai pour moi l’expérience, qui nous apprend que les enfans ainsi nourris sont plus sujets à la colique & aux vers que les autres.

Cela n’est gueres étonnant, puisque la substance animale en putréfaction fourmille de vers ; ce qui n’arrive pas de même à la substance végétale. Le lait, bien qu’élaboré dans le corps de l’animal, est une substance végétale[1] ; son analyse le démontre ; il tourne facilement à l’acide, &, loin de donner aucun vestige d’alcali volatil, comme

  1. (11) Les femmes mangent du pain, des légumes, du laitage : les femelles des chiens & des chats en mangent aussi ; les louves mêmes paissent. Voilà des sucs végétaux pour leur lait ; reste à examiner celui des especes qui ne peuvent absolument se nourrir que de chair, s’il y en a de telles ; de quoi je doute.