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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/64

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font les substances animales, il donne comme les plantes, un sel neutre essentiel.

Le lait des femelles herbivores est plus doux & plus salutaire que celui des carnivores. Formé d’une substance homogene à la sienne, il en conserve mieux sa nature, & devient moins sujet à la putréfaction. Si l’on regarde à la quantité, chacun sait que les farineux font plus de sang que la viande ; ils doivent donc aussi faire plus de lait. Je ne puis croire qu’un enfant qu’on ne sévreroit point trop tôt, ou qu’on ne sévreroit qu’avec des nourritures végétales, & dont la nourrice ne vivroit aussi que de végétaux, fût jamais sujet aux vers.

Il se peut que les nourritures végétales donnent un lait plus prompt à s’aigrir ; mais je suis fort éloigné de regarder le lait aigri comme une nourriture mal saine : des peuples entiers qui n’en ont point d’autre s’en trouvent fort bien, & tout cet appareil d’absorbans me paroit une pure charlatanerie. Il y a des tempéramens auxquels le lait ne convient point, & alors nul absorbant ne le leur rend supportable ; les autres le supportent sans absorbans. On craint le lait trié ou caillé : c’est une folie, puisqu’on sait que le lait se caille toujours dans l’estomac. C’est ainsi qu’il devient un aliment assez solide pour nourrir les enfans, & les petits des animaux : s’il ne se cailloit point, il ne feroit que passer, il ne les nourriroit pas [1]. On a beau

  1. (*) Bien que les sucs qui nous nourrissent soient en liqueur, ils doivent être exprimés d’alimens solides. Un homme au travail qui ne vivroit que de bouillon dépériroit très-promptement. Il se soutiendroit beaucoup mieux avec du lait, parce qu’il se caille.