Aller au contenu

Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne s’effacent point. Je ne serois donc pas d’avis qu’on tirât une paysanne de son village pour l’enfermer en ville dans une chambre, & faire nourrir l’enfant chez soi. J’aime mieux qu’il aille respire le bon air de la campagne, qu’elle le mauvais air de la ville. Il prendra l’état de sa nouvelle mere, il habitera sa maison rustique, & son gouverneur l’y suivra. Le lecteur se souviendra bien que ce gouverneur n’est pas un homme à gages ; c’est l’ami du pere. Mais quand cet ami ne se trouve pas ; quand ce transport n’est pas facile ; quand rien de ce que vous conseillez n’est faisable, que faire à la place, me dira-t-on ?… Je vous l’ai déjà dit ; ce que vous faites : on n’a pas besoin de conseil pour cela.

Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilieres, mais épars sur la terre qu’ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent. Les infirmités du corps, ainsi que les vices de l’ame, sont l’infaillible effet de ce concours trop nombreux. L’homme est de tous les animaux celui qui peut le moins vivre en troupeaux. Des hommes entassés comme des moutons périroient tous en très-peu de temps. L’haleine de l’homme est mortelle à ses semblables : cela n’est pas moins vrai, au propre, qu’au figuré.

Les villes sont le gouffre de l’espece humaine. Au bout de quelques générations, les races périssent ou dégénerent ; il faut les renouveler, & c’est toujours la campagne qui fournit à ce renouvellement. Envoyez donc vos