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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/83

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petits hommes. Ces propositions ont leur vérité comme sentences ; comme principes elles ont besoin d’éclaircissement : mais quand Hobbes appelloit le méchant un enfant robuste, il disoit une chose absolument contradictoire. Toute méchanceté vient de foiblesse ; l’enfant n’est méchant que parce qu’il est foible ; rendez-le fort, il sera bon : celui qui pourroit tout ne feroit jamais de mal. De tous les attributs de la Divinité toute-puissante, la bonté est celui sans lequel on la peut le moins concevoir. Tous les peuples qui ont reconnu deux principes ont toujours regardé le mauvais comme inférieur au bon, sans quoi ils auroient fait une supposition absurde. Voyez ci-après la profession de foi du Vicaire savoyard.

La raison seule nous apprend à connoître le bien & le mal. La conscience qui nous fait aimer l’un & haïr l’autre, quoiqu’indépendante de la raison, ne peut donc se développer sans elle. Avant l’âge de raison, nous faisons le bien & le mal sans le connoître ; & il n’y a point de moralité dans nos actions, quoiqu’il y en ait quelquefois dans le sentiment des actions d’autrui qui ont rapport à nous. Un enfant veut déranger tout ce qu’il voit, il casse, il brise tout ce qu’il peut atteindre, il empoigne un oiseau comme il empoigneroit une pierre, & l’étouffe sans savoir ce qu’il fait.

Pourquoi cela ? D’abord la Philosophie en va rendre raison par des vices naturels ; l’orgueil, l’esprit de domination, l’amour-propre, la méchanceté de l’homme ; le sentiment de sa foiblesse, pourra-t-elle ajouter, rend l’enfant avide de faire des actes de force, & de se prouver à lui-même