Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/98

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qu’ils en sont guéris, influent sur leur tour d’esprit pour le reste de leur vie. J’aurai plus d’une occasion dans la suite d’éclaircir ceci par des exemples.

Resserrez donc le plus qu’il est possible le vocabulaire de l’enfant. C’est un très-grand inconvénient qu’il ait plus de mots que d’idées, & qu’il sache dire plus de choses qu’il n’en peut penser. Je crois qu’une des raisons pourquoi les Paysans ont généralement l’esprit plus juste que les gens de la Ville, est que leur Dictionnaire est moins étendu. Ils ont peu d’idées, mais ils les comparent très-bien.

Le premiers développemens de l’enfance se font presque tous à la fois. L’enfant apprend à parler, à manger, à marcher, à peu près dans le même tems. C’est ici proprement la premiere époque de sa vie. Auparavant il n’est rien de plus que ce qu’il étoit dans le sein de sa mere, il n’a nul sentiment, nulle idée, à peine a-t-il des sensations ; il ne sent pas même sa propre existence.

Vivit, & est vitæ nescius ipse suæ [1].


Fin du Livre premier.
  1. (18) Ovid. Trist. I. 3.